En France, 1 femme sur 10 est victime de violences conjugales. Mais il est essentiel de rappeler que les hommes peuvent eux aussi en être victimes, même si le phénomène reste moins visible et souvent tabou. Selon les données disponibles, environ 500 000 hommes déclarent avoir subi au moins un acte de violence physique ou sexuelle, dont 100 000 dans le cadre conjugal. Pourtant, seuls 3 % d’entre eux portent plainte, ce qui souligne un fort sentiment d’isolement et une grande difficulté à se reconnaître ou à être reconnus comme victimes.
Qu’il touche une femme ou un homme, le contrôle coercitif enferme la victime dans une relation toxique où chaque aspect de sa vie est progressivement dominé. Elle subit un climat de peur et de dépendance au quotidien, qui peut durer des années. Comment reconnaître le contrôle coercitif et s’en protéger juridiquement ? Maître Émilie Vergne, avocate en droit civil et pénal à Paris 16, vous éclaire sur ce sujet.
Le contrôle coercitif n’est pas un acte isolé mais un processus construit dans le temps. C’est un système d’emprise globale, où l’agresseur utilise des comportements répétés pour priver la victime de son autonomie. Isolement social, confiscation des moyens de paiement, surveillance des communications, harcèlement de messages, imposition d’un couvre-feu : tout est mis en œuvre pour maintenir la victime sous dépendance économique, psychologique et affective.
Les conséquences sont lourdes : perte de confiance en soi, anxiété, dépression, troubles de stress post-traumatique. Les enfants exposés à ce climat subissent eux aussi de graves répercussions. Sans intervention extérieure, le contrôle coercitif s’aggrave et peut déboucher sur des violences physiques, voire sur des drames irréparables.
En droit français, le contrôle coercitif n’est pas encore un délit autonome, mais plusieurs textes permettent déjà de le sanctionner.
Sur le plan pénal, l’article 222-33-2-1 du Code pénal réprime le harcèlement moral conjugal, défini comme des comportements répétés entraînant une dégradation des conditions de vie et une altération de la santé. Les peines peuvent atteindre 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende en cas de circonstances aggravantes (présence d’enfants, vulnérabilité de la victime, ITT). La loi du 10 mai 2024 relative aux dérives sectaires a par ailleurs introduit un délit de mise ou maintien en état de sujétion psychologique, renforçant indirectement la lutte contre ces mécanismes d’emprise.
Sur le plan civil, l’article 515-9 du Code civil autorise le juge aux affaires familiales à délivrer une ordonnance de protection en cas de violences, y compris psychologiques et économiques. L’article 1143 du Code civil, issu de la réforme de 2016, reconnaît également l’abus d’état de dépendance comme un vice du consentement, permettant l’annulation d’actes passés sous coercition.
Une réforme législative est en cours : la proposition de loi n° 669 du 3 décembre 2024 prévoit la création d’une infraction autonome de contrôle coercitif, avec des peines allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en janvier 2025, elle est encore en navette parlementaire au Sénat.
Les juridictions françaises ont progressivement intégré cette notion dans leur analyse.
La Cour de cassation a reconnu en 2016 que le harcèlement conjugal pouvait être caractérisé même sans cohabitation.
La cour d’appel de Douai, en 2020, a jugé que le contrôle financier et l’isolement social répétés constituaient un harcèlement moral.
La cour d’appel de Paris, en 2021, a sanctionné les menaces et interdictions de communication comme relevant d’un contrôle coercitif.
En matière civile, la cour d’appel de Versailles a prononcé en 2018 un divorce pour faute en raison de la domination et de l’isolement imposés à l’épouse.
Les juges retiennent quatre éléments essentiels : la répétition des actes, leur globalité (atteinte à plusieurs aspects de la vie), l’intention de domination et leurs effets concrets sur la santé et l’autonomie de la victime.
Le principal obstacle pour les victimes est la preuve. Contrairement à une violence physique, visible et objectivable, le contrôle coercitif est souvent invisible, diffus et étalé dans le temps. La victime peut avoir honte, être culpabilisée, ou même douter de la réalité de ce qu’elle vit. Par ailleurs, l’auteur prend soin de masquer son comportement aux tiers, apparaissant parfois charmant et irréprochable en société.
Les juges exigent des preuves concrètes ou, à défaut, un faisceau d’indices concordants. Or, dans de nombreux cas, les éléments matériels manquent, car les violences se déroulent à huis clos et la victime n’a pas pu ou pas osé tout conserver. Cela explique pourquoi nombre de procédures échouent faute de preuves suffisantes, laissant les victimes sans protection.
Pour convaincre le juge, il est indispensable de recourir à une stratégie probatoire adaptée :
Multiplier les supports de preuve : conserver SMS, mails, historiques d’appels, messages vocaux, captures d’écran, relevés bancaires montrant le contrôle financier.
Documenter le quotidien : tenir un journal daté relatant les événements, les interdictions, les menaces. Ces notes, même personnelles, aident à montrer la répétition et la continuité des comportements.
Recourir à des témoins indirects : voisins, collègues, enseignants, médecins, qui peuvent attester de l’isolement, de l’angoisse, du changement de comportement de la victime.
S’appuyer sur des professionnels : certificats médicaux attestant d’un état anxieux ou dépressif, constats d’huissier fixant dans le temps des échanges de messages, rapports associatifs.
Confronter le civil et le pénal : une ordonnance de protection peut sécuriser rapidement la situation, tandis qu’une plainte pour harcèlement moral ou abus de faiblesse vient renforcer le dossier sur le fond.
Utiliser les indices comportementaux : dépendance pour des actes simples du quotidien, peur constante, demande de permission pour se déplacer ou acheter, sont autant de signaux que le juge peut retenir.
Le contrôle coercitif se prouve rarement par un élément unique : c’est la convergence des indices qui permet de démontrer juridiquement un système global d’emprise.
Il convient de distinguer trois notions proches mais distinctes :
L’emprise est l’état ressenti par la victime, marqué par une perte de libre arbitre et une dépendance affective ou économique.
Le contrôle coercitif est le processus objectif utilisé par l’auteur pour installer et maintenir cette emprise.
La sujétion psychologique, définie par le Code pénal (art. 223-15-2), est une qualification juridique précise, constitutive de l’abus de faiblesse.
On pourrait dire que l’emprise est la prison, le contrôle coercitif les cadenas et les murs qui y enferment, et la sujétion psychologique le constat juridique de cet état d’asservissement.
Vous êtes victime de contrôle coercitif, que vous soyez une femme ou un homme, ou vous craignez que vos proches le soient ? Maître Émilie Vergne et son cabinet vous accompagnent dans toutes vos démarches juridiques. Avocate pénaliste et civiliste, elle dispose d’une compétence pointue en droit de la famille et en droit des victimes.
Concrètement, Maître Vergne peut engager une procédure d’ordonnance de protection, vous assister dans le dépôt de plainte, sécuriser vos preuves, ou plaider en votre faveur dans le cadre d’un divorce ou d’une procédure pénale. Formée à l’écoute active et à la communication non violente, elle vous apporte un soutien humain et stratégique à chaque étape.
Basé à Paris 16, le cabinet intervient dans toute la région parisienne. N’hésitez pas à prendre rendez-vous pour bénéficier d’une première consultation et d’un accompagnement sur mesure. Notre objectif est clair : vous protéger, faire reconnaître juridiquement le contrôle coercitif et restaurer votre droit fondamental à la liberté et à la sécurité.