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Les violences sexistes au travail : où en est la France ?

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Les violences sexistes au travail : où en est la France ?
La France face aux violences sexistes et sexuelles au travail : un constat mitigé malgré des lois solides. Conseils d'avocate pour faire valoir vos droits.

Violences sexistes et sexuelles au travail : la France face au miroir de l’Europe

En Italie, près de 9 millions de femmes ont subi du harcèlement sexuel au travail, soit l’équivalent de toute la ville de Rome.
En France, impossible de donner un chiffre aussi précis. Et c’est bien là que le bât blesse. Malgré des lois avancées, l’Hexagone peine encore à mesurer l’ampleur du phénomène et à instaurer une véritable culture de la prévention.

Une réalité sous-estimée

Les estimations françaises oscillent entre 11 et 16 % des actifs concernés. Cela représente un salarié sur six à un sur neuf.

Derrière ces chiffres se cachent des situations trop souvent banalisées : remarques humiliantes, gestes déplacés, baisers forcés, pressions insidieuses.

Mais contrairement à d’autres pays européens, la France ne dispose pas d’un suivi statistique régulier et harmonisé. Les enquêtes sont ponctuelles et parcellaires, laissant une large part d’ombre. Cette opacité freine à la fois la prise de conscience collective et la capacité d’action des pouvoirs publics et des employeurs.

L’Europe, un miroir révélateur

La comparaison européenne est éclairante.

  • Les pays qui mesurent et agissent.
    Au Danemark, une enquête de 2021 a révélé que 11 % de la population avait subi du harcèlement sexuel au travail. Les résultats ont permis de cibler les secteurs les plus exposés, comme l’hôtellerie-restauration.
    En Suède, 10 % des salariés déclarent des violences sexuelles au travail sur une seule année. Ces données alimentent des politiques proactives : formation obligatoire des employeurs, droit au signalement anonyme, obligation d’agir.

  • Les pays où l’ampleur est massive.
    En Italie, 43,6 % des femmes, soit près de 9 millions, ont été victimes au travail, dont 3,1 millions sur les trois dernières années.
    En Espagne, dans le secteur du cinéma, 60 % des femmes déclarent avoir subi du harcèlement sexuel, dont 92 % n’ont jamais rien dit.
    En Autriche, jusqu’à 81 % des femmes se déclarent victimes au travail.

  • La France, en position intermédiaire.
    Nos chiffres paraissent “moins graves”, mais il s’agit d’un trompe-l’œil : l’absence de mesure régulière rend toute comparaison illusoire. La France est juridiquement avancée, mais elle reste en retard sur la transparence et la prévention proactive.

Des outils juridiques solides mais sous-exploités

Depuis 2018, le Code du travail impose aux employeurs de prévenir, faire cesser et sanctionner le harcèlement sexuel. Chaque entreprise doit désigner un référent, et plusieurs dispositifs existent :

  • le numéro d’écoute 39 19,

  • une plateforme nationale de signalement,

  • des cellules d’écoute dans certaines grandes entreprises publiques,

  • la formation renforcée des inspecteurs du travail.

Ces outils marquent de réelles avancées. Pourtant, ils peinent à s’incarner dans la pratique. Faute de données fiables et continues, la politique de prévention reste réactive plutôt que préventive.

Des exemples à suivre chez nos voisins

Plusieurs pays européens montrent qu’une autre voie est possible :

  • Au Royaume-Uni, depuis 2024, les employeurs ont une obligation légale de prévention. En cas d’inaction, l’indemnité due à la victime peut être majorée de 25 %.

  • Dans les pays nordiques, les entreprises doivent organiser des enquêtes régulières, garantir la confidentialité des signalements et former leurs managers.

  • En Espagne, après les scandales dans le sport et l’audiovisuel, l’État finance des référents indépendants ainsi que des dispositifs d’accompagnement psychologique et juridique.

Ces initiatives reposent toutes sur quatre piliers :

  1. Mesurer régulièrement,

  2. Responsabiliser et former les employeurs,

  3. Garantir des signalements sécurisés et indépendants,

  4. Sanctionner l’inaction autant que l’agression.

Conseils pratiques pour les victimes

Être confronté à des violences sexistes ou sexuelles au travail est une épreuve douloureuse, mais des démarches concrètes existent.

Il est essentiel de documenter les faits : conserver SMS, mails, messages, noter précisément les événements dans un carnet (date, heure, lieu, témoins), solliciter un constat d’huissier ou un témoignage de collègues.

Il est également important de mobiliser les dispositifs internes : signalement auprès du référent harcèlement, du CSE, recours à la médecine du travail. Les certificats médicaux ou arrêts de travail constituent des preuves précieuses.

Enfin, l’accompagnement juridique est déterminant. Un avocat peut vous aider à qualifier les faits, saisir le conseil de prud’hommes, déposer plainte ou engager la responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité.

Conclusion : mesurer pour reconnaître et protéger

La comparaison européenne n’est pas un concours de chiffres mais un miroir.
Et ce miroir nous dit que la France dispose de lois solides, mais qu’il lui manque encore une véritable culture de la mesure et de la transparence.

Car mesurer, ce n’est pas seulement compter.
C’est reconnaître la parole des victimes,
c’est responsabiliser les employeurs,
c’est donner un levier d’action aux pouvoirs publics.

Sans cela, les meilleures lois resteront lettre morte.

Vous êtes victime ou témoin de violences sexistes ou sexuelles au travail ? N’attendez pas pour consulter un avocat. Basé à Paris, le cabinet de Maître Émilie Vergne vous accompagne pour faire valoir vos droits, obtenir réparation et mettre fin à l’impunité. Documentez les faits, sollicitez la médecine du travail et engagez rapidement un accompagnement juridique : chaque démarche compte pour transformer votre vécu en une protection effective.